Nuit blanche

ÉDITION 2022

AGIR DANS UN PAYS EN FEU !

Dans un pays complètement lok depuis des mois (mais nos cerveaux ne le sont pas), la Nuit Blanche de Port-au-Prince s’empare de la question de la puissance d’agir pour porter le débat en dehors de la sphère politique afin d’imaginer ensemble le pays qui s’en vient. Haiti brûle de tous les feux: ceux des brasiers de colère dans un monde qui lui-même brûle, avec ses gigantesques feux de forêts dus au réchauffement climatique. Ces brasiers spontanés dans les rues de nos villes consument nos équipements et brûlent nos poumons. Nous sommes des ruines et nous continuons de vivre dans les ruines de ce que nous étions hier.

Au cours de cette édition, la puissance d’agir c’est d’abord comprendre la géographie de la violence lors des débats et discussions. Or la violence est dans nos têtes, dans nos corps, dans nos chairs depuis des siècles (Baldwin, La prochaine fois le feu !) mais aussi tout autour de nous. A commencer par d’autres villes de cette région du monde. Considérée comme parmi les plus violentes du monde dans les années 1990, en Colombie, Medellín (2,4 millions) est maintenant célébrée pour l’efficacité de sa politique de rénovation urbaine pour faire baisser la violence (Brand 2011). En 30 ans, Medellín est passée de l’image d’une ville gangrénée par des luttes de contrôle de son territoire entre narcotrafiquants et milices des guérillas, à une destination touristique et culturelle en Amérique du Sud.

Entre les promesses de justice non tenues et nos impuissances admises, le fossé est immense. Cela nous engage à proposer ces moments de rencontres qui associent réflexion politique et expérience poétique. C’est avec plusieurs créateurs, auteurs, performeurs, géographes, sociologues mais aussi des militants que nous avions souhaité partager plus largement ces réflexions à Port-au-Prince. A travers leurs performances sonores et visuelles, avec les mots en actes, nous souhaitons raconter d’autres histoires qui ne soient pas seulement celles de nos colères mais aussi celles de nos victoires.

Ce sont ces petites étincelles d’action qui nous donnent le courage de faire et d’habiter ce pays comme dirait Jean-Marie Théodat, enseignant, géographe de formation, à qui nous donnons carte blanche cette année. Des étincelles pour inventer d’autres possibles.

Espérons qu’elles puissent aussi nous servir de lumière pour avancer dans la nuit.

Giscard Bouchotte

À PROPOS DE L’ÉVÈNEMENT

Depuis 2014, la Ville de Port-au-Prince a obtenu le label international «Nuit Blanche» qui lui permet d’organiser, en réseau avec plusieurs villes dans le monde, la Nuit Blanche, après Montréal, Ottawa, Belo Horizonte et Miami sur le continent américain ! Toutes ces villes s’accordent sur une vision commune de la manifestation: toutes les activités sont gratuites et réunissent à la fois des projets liés à la création, l’urbanisme, le patrimoine et l’architecture, le temps d’une nuit. Baptisée «Potoprens Jouk li Jou», cette manifestation artistique se tient chaque année en Haïti, à la fin du mois de novembre. Elle propose gratuitement des activités artistiques dans plusieurs lieux, en même temps.

Catalogue 2022 (non disponible)

Promesses tenues. Nous avions pris nos désirs pour des réalités et organisé une 9ème édition dans un pays en feu. Nous avions exploré la puissance d’agir en situation de totale impuissance. Nous souhaitons avant tout remercier l’ensemble des artistes qui ont accepté de performer, spécialement ceux qui, bravant le défi sécuritaire, sont restés très tard dans la Nuit: Ar Guens Jean Mary , The Living and The Dead Ensemble , la trouve CESOHA, Foula Rara.

Cette édition a été possible grâce au financement participatif de l’équipe. Quelques institutions ont participé au montage financier, notamment la Délégation de l’Union européenne en Haiti et Viva Rio Haiti. Nous remercions les partenaires de cette 9ème édition, le MA (Musée d’art) Québec, l’Université Quisqueya, la Radio R22, Cinema Nous et le Temple Nah Ri Veh.

Nos remerciements vont également à Jean Marie Théodat, Jean Daniel Lafontant et son staff, Jean-Charles Germany, Olivier Marboeuf, Alain Sauval, Clifford et Gaelle Jasmin, Jean-Marc Rodney, Daniela Bercovitch, Pedro Braum mais aussi Johnny Tingue et Ralphden Laurent pour la technique.

Merci à tous ceux qui d’une manière ou d’une autre ont contribué à la réussite de cette édition, tous ceux qui se consument dans l’ombre pour permettre aux autres de briller ! NOU PAP DOMI !

LES ARTISTES INVITÉS

Jean Marie Théodat (HAITI)

Né à Port-au-Prince, Jean Marie Théodat est détenteur d’un doctorat de géographie de l’Université Paris X-Nanterre et d’une licence en philosophie de l’Université Paris-Sorbonne. Son champ de recherches concerne principalement la double insularité induite par la frontière entre Haïti et la République dominicaine. Recruté comme maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, il a assuré des cours de géographie politique, économique et culturelle de 1998 à 2010. Membre de plusieurs organisations de géographie et de recherche, fondateur et rédacteur en chef de la revue Échogéo, ex-directeur du Bureau caraïbe de l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) à Port-au-Prince, et rédacteur en chef de l’Observatoire de la reconstruction (revue d’information sur la reconstruction en cours à Port-au-Prince), Jean-Marie Théodat a été tour à tour président du Conseil de gestion provisoire du Campus Henry Christophe de Limonade et expert technique international au ministère des Affaires étrangères français depuis 2012. Nous donnons carte blanche à Jean Marie Theodat autour du thème Puissance d’agir.

Dubreus Lhérisson (HAITI)

Dubreus Lhérisson a grandi dans un peristyle, celui de ‘’Tibout’’, leader de bandes rara (bandes à pieds), où très jeune, il apprend la fabrication des drapeaux vaudou. A la mort de son mentor, il devient le chef d’atelier qui dès lors se spécialise dans la fabrication des costumes paillettés liés au raras. Peu a peu, Lhérisson délaisse les drapeaux traditionnels, passant de la production artisanale à la création artistique. Les oeuvres qui sont présentés dans l’Atelier sont des sujets paillettés (tissu rembourré, os, bois, métal, miroirs). Lhérisson devient l’artiste des paillettes et celui des statues bizango qu’on retrouve désormais dans des collections internationales, notamment au Musée du Quai Branly à Paris. En 2011, son travail est présenté aux Grand Palais (Haiti, deux siècles de création artistique) et récemment, à la 12th Berlin Biennale en Allemagne (Extrait Guide 12th Berlin Biennal)

Steevens Simeon (HAITI)

Steevens Simeon est un artiste plasticien travaillant avec la photographie, la video et les beaux-arts. Faisant partie de la communauté Atis Rezistans de Port-au-Prince, il a participé à toutes les éditions de Ghetto Biennale et collabore avec plusieurs artistes invités. Il a participé au Camp d’été Young Energies à Berlin en 2012 et travaillé avec la Fondation AfricAméricA et le Ministère haïtien de la culture, enseignant la production vidéo à des étudiants universitaires en 2013. Depuis, il travaille comme réalisateur ou assistant réalisateur sur plusieurs court-métrages. Il est l’un des photographes participants au débat CARTOGRAPHIE DES RUINES.

Pierre Michel (Haiti)

Pierre Michel vit et travaille à Port-au-Prince comme journaliste indépendant et cinéaste. Membre fondateur et actif du collectif de journalistes haïtiens (Kolektif 2D), il est contributeur à leur revue de reportages Fotopaklè. Il a fait des études en Communication sociale et en Sciences juridiques à l’Université d’Etat d’Haïti et est diplômé de Haïti Reporters. Depuis 2016, Pierre Michel a opéré un virage cinéma. Il a réalisé en 2015 Les guérisseurs de l’ombre 26’, son premier court-métrage documentaire qui sera présenté au Festival Vues d’Afrique de 2017. Toro La Cou (65’) est le titre de son premier documentaire long-métrage sur lequel il travaille depuis 3 ans et qui est présenté au Fifac (Guyane) en octobre 2020. Pour la commémoration des 11 ans du tremblement de terre en, Pierre Michel propose Sans titre, Histoire d’un mardi de janvier (24’), son troisième court métrage. Michel est boursier de la Scam « Brouillon d’un rêve » pour son prochain long métrage documentaire qui évoque la douloureuse mémoire du massacre des haïtiens en 1937 “L’oubli tue 2 fois”.

Georges Harry Rouzier (Haiti)

Georges Harry Rouzier est un photographe indépendant haïtien. Après des études en architecture, il se consacre totalement à la photojournalisme en 2012, inspiré par certains photographes étrangers débarqué en Haïti après le séisme de 2010. Il collabore avec la presse haïtienne et étrangère dont Enquet’Action, Loop News, Challenge Magazine. Sans oublier des publications qu’il a eu dans le Wall Street Journal, Internazionale, Radio Suisse Nationale et le Monde. Membre fondateur du Kolektif 2 Dimensions et de la revue FOTOPAKLE, il vit et habite à Port-au-Prince. Il a fait la vente signature d’Une ville dans la ville en février 2020 – présentant les problèmes d’urbanisation au niveau de la capitale au travers de son cimetière historique témoin de sa croissance.Il a déjà fait de nombreuses publications. En 2019, il a participé dans la publication Kazal, un travail de mémoire sur un des massacres orchestrés durant la dictature de Duvalier. Il est l’un des photographes participants au débat CARTOGRAPHIE DES RUINES.

Pedro Braum (Brésil)

Né à Rio de Janeiro, Pedro Braum est est titulaire d’un diplôme en sciences sociales et d’une maîtrise et d’un doctorat en anthropologie de l’Université fédérale de Rio de Janeiro. Il travaille actuellement sur le programme de sécurité humaine de Viva Rio au Brésil. Pedro voyage en Haïti depuis 2008. Il a été coordinateur de programme pour Viva Rio en Haïti et coordinateur de la sécurité humaine jusqu’en 2021.

Johnson Sabin (HAITI)

Johnson Sabin est un photographe indépendant. Ses années de pratique théâtrale ont développé chez lui une sensibilité très particulière pour l’image et le mouvement. Son parcours professionnel dans l’ingénierie du développement local l’a amené à côtoyer la population de très près (paysans, artisans, commerçants, artistes…). Photographe du contact humain, il s’immisce dans la vie des gens et brosse avec régal des tableaux de vie. Avec un sens aigu de l’observation, il nous fait partager son amour des scènes du quotidien, entre frénésie urbaine, poésie rurale et pratiques spirituelles. Il travaille pour l’agence de presse internationale EFE et publie régulièrement ses photos. Son travail a déjà été présenté de Saint-Brieuc à Port-au-Prince, en passant par Paris, Lyon, Saint-Etienne. Il est l’un des photographes participants au débat CARTOGRAPHIE DES RUINES.

Ar Guens JEAN MARY (HAITI)

Né à Port-au-Prince, Ar Guens JEAN MARY vit actuellement à Jacmel. Il est poète, librettiste, performeur et responsable culturel au Centre Culturel Maurice Cadet. Il est lauréat du Prix international de l’invention poétique et de la traduction en langue(s) créole(s) 2022 pour son manuscrit « Wòch se premye pwen m voye deja » lors du Festival Mai.Poésie de l’association Balisaille (Martinique). Ar Guens est aussi l’auteur de La bouche du poète n’est pas un anus ordinaire (2021, Éditions Floraison) Suivi de En plein cœur du Je, A la poésie blessée par balles (2019, Éditions du Pont de l’Europe) et Le Nil noir de la vallée blanche (2017, Éditions A TOI). Au côté de la metteuse en scène hongroise Franciska Ery et le compositeur anglo-chinois Alexander Ho, il est librettiste de l’opéra numérique “ SEISME-Un opus interactif ‘’ qui est finaliste au Prix Digital FEDORA 2022. En 2021, il fut boursier des programmes de résidence de création artistique du Festival Quatre Chemins et a reçu la même année le 2e Prix Normandie au concours international de Chansons sans frontières pour sa chanson poétique intitulée “ Pour prendre de l’air”. En Europe, il a publié dans divers revues et magazines littéraires comme DÉBRIDÉ, Pro/pr(o)se magazine, Le Coquelicot, L’Éclectique et Recours au Poème…Ces œuvres s’insufflent la poésie pour donner de multiples respirations au Verbe. Actuellement, il est l’un des artistes en résidence de création à Opéra Orchestre National Montpellier et continue d’arpenter la scène pour donner voix à ses écrits protéiformes. Il présente une performance lyrique pour la Nuit Blanche de Port-au-Prince, inspiré du texte de James Baldwin, La prochaine fois, le feu !

Headly Noel (HAITI)

Né en Haiti, Headly Noel a vécu en Allemagne et aux Etats unis d’Amérique. Après des études de médecine à l’Université Quisqueya, il obtient une licence en Science politiques et en économie à l’Université du Massachusetts à Boston. Noel détient également une maitrise en relations internationales de l’Université de Leipzig puis à Humboldt à Berlin, en Allemagne. Il a également enseigné dans le secondaire et au collège avant de devenir chercheur en économie politique. Il est en outre cofondateur du mouvement politique » Dezyem Endepandans » et Coordonnateur du comité central Dezyem et le premier à être appelé « Chef du Congrès » pour un Dezyem Endepandans. Noel est un passionné de musique rara et de salsa, écrivain et diseur, connu pour ses podcasts en ligne sur les questions politiques et économiques qui concernent Haïti.

Jean-Daniel Lafontant Lafontant (Haiti)

Né en Haiti, Jean-Daniel Lafontant Lafontant est un prêtre vaudou, guérisseur et passionné d’art et de culture haïtienne. Membre du conseil d’administration du Musée d’Art Haïtien, il travaille comme commissaire d’exposition indépendant et opérateur culturel. Jean-Daniel Lafontant est diplômé de l’Université New York Institute of Technology et travaille pendant 25 ans dans le marketing d’entreprises. Après un bref passage à la tête de la communication du Ministère haïtien des Affaires étrangères, il enrichit ses expériences dans la diplomatie et politique mondiale. Depuis 2003, il travaille par intermittence comme consultant pour divers médias, musées, universités et institutions culturelles. Parmi ses productions récentes, le documentaire primé « In the Eye of the Spiral » ; « Believers » avec Reza Aslan sur CNN ; et plus récemment pour ITV UK, le documentaire « Hidden Caribbean » avec Joanna Lumley. Lafontant a produit et contribué à une douzaine de films documentaires, d’expositions, d’articles de recherches, de conférences et d’autres événements liés à la culture haïtienne. Fondateur du Temple Vodou Na-Ri-VéH 777 dont il est le chef spirituel, Jean-Daniel Lafontant consacre toute son énergie à sa santé, au vaudou et à la promotion de la culture haïtienne

espasmilokan.com

nariveh.com

Daniela Bercovitch (Brésil)

Née à Rio de Janeiro, au Brésil, Daniela Bercovitch est titulaire d’une maîtrise en gestion des communications politiques et électorales de l’Universidad Autónoma de Barcelona. Elle est également titulaire d’un baccalauréat spécialisé en sociologie. Daniela travaille en Haïti depuis 1993. Elle a fait partie du groupe de l’OEA qui a observé les élections au Nicaragua, en Guyane, en Colombie et en Haïti. Elle a acquis une excellente connaissance d’Haïti au cours de son parcours professionnel, en commençant comme observatrice des droits de l’homme, lorsqu’elle a participé à la Mission civile conjointe ONU/OEA en Haïti de 1993 à 1996 et en travaillant comme consultante pour Élections Canada en 2005 et 2006. En tant que directrice adjointe de Viva Rio pour Viva Rio depuis 2007, elle a coordonné le programme intégré de sécurité et de développement qui comprend des projets d’assainissement, de déchets solides, d’énergie alternative et de réduction de la violence communautaire dans le quartier pauvre de Bel Air à Port-au-Prince. Après le tremblement de terre de janvier 2010, Mme Bercovitch s’est installee avec ses deux filles à Miami où elle coordonnait les relations institutionnelles et la communication de Viva Rio. En 2020 Daniela a rejoint l’équipe en Haïti comme coordonnatrice de programmes